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«Je souhaite parler de l’épilepsie aux jeunes afin qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls.»

Caroline Salhi a 38 ans, deux filles et de l’énergie à revendre malgré une épilepsie qui se manifeste quotidiennement. Elle met à profit son talent pour le dessin dans la conception d’un manga destiné aux jeunes. Pour qu’ils ne perdent jamais espoir.

Texte: Mélanie Volluz
Photos: Sylvain Chabloz

La première chose que me raconte Caroline lorsque je la rencontre, c’est son enfance heureuse et le soutien inconditionnel de ses parents et de sa famille. Puis elle me parle de ses deux filles, de son mari, de son bonheur d’avoir pu construire, à son tour, une tribu solidaire et chaleureuse. Ses amis sont importants: un cercle de confiance, petit certes, mais de grande qualité. Ajoutons à ce joli tableau un intérêt de toujours auquel elle s’adonne presque quotidiennement avec joie: le dessin. Et l’épilepsie alors? Caroline sourit, sereine. Certes, elle fait des crises de type absence, mais elle ne s’est jamais laissé freiner par les difficultés. Au contraire, elle a su les décliner en multiples forces. 

Lorsqu’à l’âge de 8 ans, le diagnostic de l’épilepsie est posé, l’acceptation est facile. Un traitement est mis en place et une stabilité provisoire est trouvée. Durant deux ans, Caroline ne fait pas de crises. Dès l’âge de 10 ans, la situation se péjore pourtant et les multiples essais de traitements se soldent par des échecs: elle est pharmaco-résistante et fait alors plusieurs crises par jour. De type focales, ses crises se traduisent soit par une absence, soit par un comportement étrange ou alors par des visions. L’acceptation se poursuit sans difficulté pour Caroline et sa famille: «l’épilepsie est là, autant faire avec»! Toutefois, elle reconnaît que tout ne fut pas facile. Par exemple, lorsqu’elle avait des visions de monstres durant ses crises, dans l’enfance, elle était vraiment terrifiée. 

Son cursus scolaire se déroule normalement. Ou presque… En effet, ses crises ne passent pas inaperçues et les réactions de son entourage scolaire ne sont, malheureusement, pas soutenantes. Caroline me fait part de (trop) nombreuses anecdotes de dénigrement et de harcèlement, uniquement liées à son épilepsie. Et pourtant, elle a eu le courage de parler ouvertement de ses crises, devant ses enseignants et ses camarades. Elle leur a expliqué comment elles se manifestaient dans son cas et ce qu’il fallait faire. Ma foi, sans effet: lors d’une période de sa vie où les crises se traduisaient par des cris, l’enseignant fut le premier à rire, rejoint par tous les élèves. «J’ai voulu disparaître sous terre tant je me suis sentie honteuse.» D’autres fois, des camarades l’ont accusée de jouer la comédie ou se sont moqués d’elle sans vergogne. Mais elle a toujours gardé la tête haute et reprenait courage et force auprès des siens. 

En 1997, elle passera deux semaines aux HUG afin de déterminer si une chirurgie de l’épilepsie est envisageable. Le verdict: il n’y a pas de zones précises d’où partent ses crises donc pas d’opération possible. Par la suite, des recherches et examens complémentaires permettront de découvrir la source de son épilepsie, une anomalie génétique sur un chromosome. 

J’ai compris alors que mon épilepsie allait accompagner mon quotidien et je me suis dit qu’il fallait que ma différence soit ma force

Sa scolarité terminée, elle a fait un apprentissage d’employée de commerce dans le domaine de la bijouterie. Tristement, l’histoire se répète: on lui confie des tâches sans importance, son chef la dénigre. Elle s’accroche, sait reconnaître la bienveillance de l’assistante de direction et va jusqu’au bout de son cursus. Elle obtient son CFC malgré une crise de type absence durant l’un des oraux. Son épilepsie continue à se manifester quotidiennement: c’est une, deux ou trois absences chaque jour de 20 à 40 minutes chacune. Elle tente tout de même une école de stylisme, avec des horaires adaptés. Elle n’obtiendra pas le diplôme. Une rente AI lui est accordée.

Son épilepsie ne freine pas ses souhaits et ses envies. Aujourd’hui, ses deux filles et son mari à ses côtés, elle a l’énergie d’un nouveau projet: une bande dessinée. Son adolescence a été marquée par les souffrances liées au rejet de ses camarades et ses enseignants. Alors elle souhaite s’adresser aux adolescents atteints d’épilepsie, avec un message: il faut croire en soi, faire ce que l’on souhaite, l’épilepsie n’empêche pas de vivre ses rêves! «L’adolescence n’est pas une période facile. J’espère que ma BD va aider à casser les préjugés et amener un message positif.» Depuis toute petite, le dessin, c’est son truc. Et pour s’adresser aux adolescents, elle a choisi le manga. Sans expérience jusque-là avec ce style particulier venu du Japon, elle s’y met avec une aisance qui semble naturelle. Marjorie Mourey, une amie proche, l’accompagne dans ce projet et met en forme les textes que les deux amies ont rédigés. Ensemble, elles élaborent un storyboard, esquissent un projet, en parlent à Epi-Suisse. C’est évidemment avec énormément d’enthousiasme et d’intérêt que nous découvrons le talent de Caroline, la force de son récit basé sur du vécu et ses dessins de grande qualité. 

Caroline peaufine encore son manga qui sera bientôt publié par Epi-Suisse. Elle espère qu’à sa lecture, les jeunes atteints d’épilepsie trouveront du réconfort. Et que leurs camarades, grâce à une meilleure compréhension de cette affection, pourront faire preuve de solidarité et d’encouragement.

Cet article est paru pour la première fois dans Epi-Suisse Magazine 01/22


Manga-des saltos dans mon cerveau

UN MANGA POUR PARLER D’ÉPILEPSIE

Emi a 11 ans, elle fait des crises d’épilepsie de type absence mais sa vie ne se résume pas à cela. Elle est écolière. Elle est gymnaste. Et elle est déterminée à gagner les épreuves lui permettant de rejoindre l’équipe de Suisse junior et ainsi de poursuivre son rêve : devenir championne olympique. Ce manga parle d’épilepsie et du parcours médical qui en découle. Il aborde aussi le thème de l’adolescence et de ses défis : amitié, rivalité, courage, premiers amours et rêves.

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« LA RTS EN PARLE ! »

La Radio Télévision Suisse (RTS) s’est intéressée à cette BD Manga que Caroline Salhi a dessinée et en fait deux reportages. Une belle mise en lumière sur un magnifique travail de longue haleine. Ces deux reportages de la RTS vous permettent d’en connaître davantage sur Caroline Sahli et sa vie avec l’épilepsie.

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